Commonwealth de Locquetas
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Réunion au sommet dans les bas-fonds

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Message par Goldwaith H. Borr Mar 11 Aoû - 23:22

Il était presque trois heures du matin lorsque deux limousines sombres, sans armes, stationnèrent quasi simultanément à l'entrée d'un immense collecteur d'égout en banlieue de Khoryl. L'une, qui avait débouché du boulevard de Carnac, semblait venir des beaux quartiers qui s'étendaient au Sud-Ouest de la capitale, au-delà de la montagne sacrée qui en avait jadis marqué l'entrée. L'autre avait jailli de l'échangeur voisin et paraissait provenir du centre-ville.

L'endroit était lugubre. La pègre y avait longtemps convergé pour régler ses affaires et procéder à ses arrangements divers. Les rondes de police, fréquemment décimées à proximité du collecteur, avaient fini par s'espacer, pour ne plus finalement faire que passer bien au large, parfois sans même quitter l'autoroute. La mafia avait commencé à prendre ses aises dans le quartier, à racheter méthodiquement, à coup de calibre 32, divers petits immeubles de rapport, à y entreposer du matériel qu'elle surveillait de près, à y imposer l'omerta.

Mais à cette heure, on avait beau chercher, forcer les portes, décharger en l'air, aucune réaction, aucun mouvement : la pègre était partie. Elle avait même déserté, et on ne la trouvait pas davantage à Carnac, à Khérrion ou à Port-Royal qu'à Khoryl. Fradeu n'avait pas eu non plus l'heur de lui complaire — et pour cause, le trafic de panse de mouton reste un poil moins juteux que celui des armes et des stups. Lautrec ? On n'en savait trop rien. Toujours est-il qu'elle n'avait pas réclamé son reste, la pègre, et que son départ était récent. À ce qu'on disait, en butte au clan le plus crapuleux et le plus puissant de la métropole. Des milliers de sbires, commandés par des centaines de cheffaillons, aux ordres d'une bonne dizaine de généraux qui ne répondaient qu'à leur maître. Que ce clan fût puissant et établi, c'était une chose : il y en avait d'autres. Mais que son chef de famille fût incidemment l'auteur du coup d'État qui promettait son sang et ses tripes sur l'asphalt à tout ce qui bougeait et ressemblait d'un peu trop près à du contrevenant, cela changeait la perspective. Aussi, S. S. Borr aux commandes, l'idée s'était vite et fort imposée de ne pas moisir sur place.

Goldwaith n'ignorait rien de cela, parfaitement renseigné qu'il était par le comte de Kerjégu, un vieil ami, des faits et gestes de tout un chacun dans la capitale. Aussi les deux hommes avaient-ils convenu ensemble de se retrouver là, au calme, le collecteur n'ayant pas encore été visité par la police. En tout état de cause, l'escorte dont l'un et l'autre avaient pris la précaution de s'entourer aurait rapidement nettoyé l'endroit de tout uniforme à pattes. On s'y trouvait donc à son aise...
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Message par Goldwaith H. Borr Mer 12 Aoû - 11:03

Un courant abondant sourdait des profondeurs de Khoryl et se déversait par le collecteur. Cet écoulement avait rarement tari, ce qui était de quelque intérêt lorsqu'il était question de faire discrètement sortir corps et biens de la circulation. Le tout se jetait très opportunément dans l'estuaire du fleuve côtier, à quelques kilomètres seulement en amont de la mer. Aussi ce que la vie subaquatique n'avait pas terminé, les pelles hydrauliques et les barges de dragage du grand chenal maritime le broyaient généralement dans les semaines qui suivaient, et la viande humaine qui nourrissait les lamproies des fonds fluviaux se trouvait d'autant plus rapidement assimilée dans l'écosystème qu'elle était en quelque sorte pré-digérée par les puissantes mâchoires mécaniques de la Port Authority of Khoryl.

Pour l'heure, les deux silhouettes étaient au bord du courant, qui couvrait le son de leurs voix.

— Tu sais que ton frère ne décolère pas depuis qu'il a reçu ta lettre... Il a obtenu chaque pouce du territoire métropolitain, Fradeu s'est quasiment jeté dans ses bras, la Mésogée faisait figure de formalité, restait Lautrec...

— Je prévoyais tout cela, Max. Je connais un peu mon frère et son tempérament.

— Il ne parle plus que de Lautrec ! C'est devenu son obsession, la pièce manquante pour parachever son grand-œuvre, comme il dit. Il n'en dort plus...

Une ombre avait traversé le visage de Kerjégu. L'anxiété se lisait sur ses traits, qui portaient déjà de longues années de service sans repos.

— Sheldrake a toujours eu le sommeil agité, répliqua le prince. Si Lautrec avait cédé, il aurait tiré prétexte d'une autre embrouille pour sonner ses sbires toutes les heures. Non, vraiment, là c'est bien : Locquetas s'est trouvé un ennemi comme il faut, le traître par excellence, celui qui se planquait à l'intérieur depuis le début, qui conspirait contre les intérêts nationaux, c'est vraiment bien.

— Je ne te suis plus...

— Regarde, fit Goldwaith, l'armée est stationnée en métropole pour l'instant, en état d'alerte maximal.

— Oui, j'ai veillé à ce que tous les indicateurs restent à l'écarlate. Mais le patron s'apercevra bien un jour que la population se fiche pas mal de liberté politique du moment qu'elle ait ses deux frigos pleins à ras-bord et ses trois cents chaînes de télé.

— Sa parano l'empêchera de s'en rendre compte avant longtemps, tu peux me faire confiance. Nous avons donc l'armée en cercle autour du Domaine, prête virtuellement à encercler tout citoyen qui traverse au rouge ou se procure des lectures révolutionnaires. Les fusils sont prêts aussi sec à se retourner contre le Zollernberg, l'autre grand souci de Sheldrake à cette heure. En bref, les capacités militaires sont à demeure.

— Oui...

— Maintenant Lautrec : un territoire éloigné, quelques troupes sur place — manque de chance, le prince qui règne sur ce morceau de caillou les a déjà subverties, — et une contestation qui semble surtout de principe... On n'imagine pas, même dans l'esprit dérangé de Sheldrake, d'y livrer bataille.

— Pourtant, à l'entendre...

— Mon vieux Max, ça me surprend que tu ne l'aies pas davantage profilé, sourit Goldwaith en s'allumant un cigare. Il lui faut cet état de stress permanent, pour lui et surtout pour garder la main haute sur son entourage. Sheldrake n'est pas né pour gouverner sur un État en paix. Tu auras noté que l'agitation a commencé dans les mois qui ont suivi son arrivée à Césarée...

— Il y avait eu des signes avant-coureurs !

— Relus à la lumière de la propagande du Gouvernement... Mais j'ai aussi été confondu, comme tout le monde. Après tout c'est moi qui ai recommandé mon frère au Roi pour ce poste.

Goldwaith eut un soupir. Les yeux dans le vague, il tira quelques bouffées de son cigare avant de reprendre.

— N'importe, nous en sommes là aujourd'hui. Lautrec contre Locquetas, David contre Goliath... Sheldrake peut être assez content, en fait : il a sa cible. Sa propagande va se déverser sur moi pendant quelques mois. Pendant ce temps-là, le bon peuple aura son feuilleton politico-natio chaque soir au vingt-heures, mais surtout, surtout, l'armée ne sera pas déployée sur d'autres théâtres d'opération autrement plus risqués. Pas de campagne de Wilhelstaufen, pas de blitzkrieg en Angmar-Persis, pas de bombardement sur Philippeville. Le calme relatif, en somme...

— Mais comment va-t-on en sortir ?

— Pour l'instant, donnons-nous du temps, répondit le prince en jetant un rapide coup d'œil sur les alentours. Nous aurons l'occasion d'en reparler...
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